Un salarié peut travailler hors des locaux de l’entreprise, par exemple à son domicile. Le télétravail est mis en place soit dans le cadre d’un accord collectif soit dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur. En l’absence de charte ou d’accord collectif, il est aussi possible de recourir de manière occasionnelle au télétravail. Le télétravailleur, en tant que salarié, dispose de droits individuels et collectifs prévus dans le Code du travail.
I.Conditions pour recourir au télétravail
Désormais, selon le Code du travail, le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication (article L. 1222-9 du Code du travail ).
Le télétravail se caractérise par quatre éléments cumulatifs :
- Le travail doit être exercé hors des locaux de l’entreprise ;
- Le travail doit pouvoir être réalisé dans les locaux de l’entreprise ;
- Le télétravail doit être effectué de façon volontaire ;
- Le travail doit être réalisé grâce aux technologies de l’information et de la communication.
1/ Le travail doit être exercé hors des locaux de l’entreprise
Le travail peut être réalisé au domicile du salarié (domicile principal et/ou résidence secondaire) mais également dans les espaces collectifs situés en dehors de l’entreprise (par exemple : espace de coworking).
2/ Le travail doit pouvoir être réalisé dans les locaux de l’entreprise
Il faut que le travail puisse être exécuté dans les locaux de l’entreprise. Ainsi, le simple fait de travailler à l’extérieur des locaux de l’entreprise ne suffit pas en soi à conférer à un salarié la qualité de télétravailleur. Par exemple, un technicien ou un administrateur en tournée ne peut revendiquer une qualité de télétravailleur au motif qu’il ne travaille pas au siège social ou dans les locaux de la compagnie puisque par nature, ce travail s’exerce sur le terrain.
3/ Le travail doit être effectué de façon volontaire
En aucun cas l'employeur ne peut imposer au salarié de travailler à son domicile.
De même, lorsque les parties ont convenu ensemble que le salarié pouvait exécuter ses missions à son domicile, l'employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle du travail sans un nouvel accord du salarié.
Par exemple, si le salarié a accepté de travailler à son domicile 2 jours par semaine, l’employeur ne pourra sans son accord, lui imposer de travailler 3 jours par semaine à son domicile.
4/ Le travail doit être réalisé grâce aux technologies de l’information et de la communication
Ce critère exclut les salariés qui n’effectuent que des tâches manuelles à leur domicile : il s’agira alors de travailleurs à domicile.
Il ne faut pas confondre le statut du télétravailleur et le statut du travailleur à domicile également défini dans le Code du travail. Ce dernier n’étant pas abordé dans cette étude.
II.La mise en place du télétravail
Depuis le 24 septembre 2017, le recours au télétravail régulier est subordonné à la conclusion d’un accord collectif ou d’une charte élaborée par l'employeur après avis du Comité social et économique (CSE) selon l’article L. 1222-9 du Code du travail . Dans l’attente de la mise en place du CSE, la charte devrait être soumise au comité d’entreprise ou aux délégués du personnel.
a.Contenu de l’accord collectif ou de la charte
L’accord collectif ou la charte élaborée par l’employeur doit obligatoirement préciser certains éléments.
1.Les conditions de passage en télétravail et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail
a) Les conditions de passage en télétravail
Les critères d’éligibilité au télétravail doivent clairement être mentionnés dans l’accord ou dans la charte.
Pour cela, il est conseillé de préciser les activités de l’entreprise pouvant être exercées à distance (par exemple au domicile du salarié) et celles qui ne pouvant pas être exercées à distance.
A titre d’exemple, il est possible d’indiquer dans l’accord collectif ou dans la charte qu’une personne chargée de recevoir du public ou utilisant un logiciel (pour la billetterie par exemple) ne pouvant pas être utilisé en dehors de l’entreprise n’est pas éligible au télétravail.
Par ailleurs, il est possible de prévoir que pour être éligible au télétravail, les salariés doivent réunir certaines conditions (ancienneté minimale, nature du contrat de travail etc…).
b) Les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail
Les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail doivent obligatoirement être précisées dans l’accord ou dans la charte.
Il est conseillé de prévoir une période d’adaptation au cours de laquelle l’employeur ou le salarié peuvent décider, unilatéralement, de mettre fin à la situation du télétravail moyennant un délai de prévenance à déterminer dans l’accord collectif ou dans la charte.
Important : le salarié peut à tout moment décider de mettre fin au télétravail et de retourner dans les locaux de l’entreprise pour le même poste.
Le télétravailleur est prioritaire pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles (son employeur est tenu de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature).
2.Les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail
Le passage en télétravail ne doit pas être imposé au salarié. C’est le salarié qui en fait la demande à son employeur, sur la base du volontariat. L’article L. 1222-9 du Code du travail n’exige pas la conclusion d’un avenant au contrat de travail pour prévoir la mise en place du télétravail. Toutefois, il est conseillé de le prévoir dans le contrat de travail ou de signer un avenant au contrat de travail afin de préciser les modalités du télétravail.
Le salarié peut refuser la proposition de télétravail formulée par l’employeur ce qui ne peut en aucun cas constituer un motif de sanction ou de licenciement.
3.Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail
Seulement un de ces deux critères est obligatoire dans l’accord ou dans la charte. Toutefois, rien n’empêche que ces deux critères soient mentionnés.
L’employeur peut mettre à disposition des outils de gestion du temps de travail utilisés dans l’entreprise.
Le Code du travail précise que l’employeur est tenu d’organiser un entretien annuel qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail (article L. 1222-10 du Code du travail ).
4.La détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail
A priori, le télétravailleur pourrait être sanctionné s’il n’est pas joignable lors des plages horaires fixées entre les parties. En revanche, le télétravailleur ne peut être sanctionné pour ne pas avoir été joignable en dehors de ces périodes.
b.Organisation du télétravail
Le télétravail peut s’effectuer à temps plein ou à temps partiel en alternance avec des périodes de travail dans les locaux de l’entreprise.
Par exemple, il est possible de prévoir dès le premier jour d’embauche de recourir 2 jours par semaine au télétravail sans pour autant déterminer les jours télétravaillés.
c.Le refus par l'employeur d’accorder le télétravail au salarié
L'employeur peut dans certains cas refuser une demande d'un salarié :
1/ Soit le salarié n’occupe pas un poste éligible à un mode d’organisation en télétravail dans les conditions prévues par l’accord collectif ou dans la charte, auquel cas l’employeur n’a pas à justifier son refus.
2/ Soit le salarié occupe un poste éligible au télétravail au regard des conditions prévues par l’accord collectif ou par la charte, auquel cas l’employeur doit justifier et expliquer son refus. Ce refus doit reposer sur des éléments objectifs et doit être justifié par les conditions particulières d'exercice du travail liées au télétravail. A défaut, le salarié peut contester ce refus et saisir le Conseil de prud’hommes.
Il n’y a aucune disposition précisant la forme de ce refus. Toutefois, il est conseillé de formuler ce refus par écrit.
d.Le cas des salariés dont le contrat de travail a été conclu avant le 24 septembre 2017
Le principe est que l’accord ou la charte prévalent sur les stipulations relatives au télétravail dans le contrat de travail en cours conclu avant le 24 septembre 2017.
Ainsi, pour les salariés dont le contrat de travail a été conclu avant le 24 septembre 2017, les stipulations relatives au télétravail doivent être substituées par les dispositions de l’accord ou de la charte si elles sont contraires ou incompatibles avec celles du contrat de travail. Le salarié peut toutefois s’y opposer dans un délai d’un mois à compter de la date à laquelle l’accord ou la charte a été communiquée dans l’entreprise (Ord. n°2017-1387, art. 40 VII).
III.Les droits des télétravailleurs
Le télétravailleur est un salarié de l’entreprise. Il bénéficie donc des mêmes droits individuels et collectifs que l’ensemble des salariés (article L. 1222-9 du Code du travail) ) : accès à la formation, respect de la vie privée, santé et sécurité au travail, accès aux activité sociales de l’entreprise, aux informations syndicales, etc.
Accident du travail et maladies professionnelles. L’article L. 1222-9 du Code du travail précise que l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail.
IV.Les obligations de l’employeur
Au delà des obligations communes à tous les employeurs vis-à-vis de leurs salariés, l’employeur est tenu à l’égard du salarié en télétravail (article L. 1222-9 du Code du travail ) :
- d’informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipement ou outils informatiques ou de services de communication électronique et des sanctions en cas de non-respect de telles restrictions ;
- de lui donner priorité pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles et de porter à sa connaissance la disponibilité de tout poste de cette nature ;
- d’organiser chaque année un entretien qui porte notamment sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail.
L’employeur, en vertu de son obligation générale de sécurité de résultat, est également tenu de s’assurer de la conformité du poste du travail du salarié, avant de mettre en place le télétravail. Par exemple, l’employeur se doit de vérifier la conformité des installations électriques et techniques. Pour cela, l’employeur peut par exemple demander au salarié qu’un expert intervienne à son domicile (dans ce cas l’accord du salarié est indispensable), d’attester sur l’honneur qu’il a une installation technique et électrique conforme si le salarié est bien informé sur les risques encourus d’une installation non conforme.
L’employeur peut fournir l’équipement nécessaire au salarié. Dans ce cas, il est conseillé de préciser par écrit la liste de équipements mis à disposition du salarié. Par exemple : un ordinateur portable, un téléphone professionnel, une imprimante, une clé USB.
V.La prise en charge des frais par l’employeur
Depuis l’ordonnance Macron, l’employeur n’a plus d’obligation légale de prendre en charge les coûts liés à l’exercice du télétravail (matériels, logiciels, abonnements, communications et outils).
Il est toutefois possible de faire figurer cette prise en charge dans l’accord ou dans la charte.
Par ailleurs, une indemnité d’occupation du domicile peut dans certain cas être versée par l’employeur au salarié qui a accepté, à la demande de son employeur, de travailler à son domicile, lorsque qu'une partie de son domicile est transformée en bureau.
Il n’y a pas de disposition légale prévoyant le versement d’une indemnité d’occupation. Toutefois, la Cour de cassation considère que l’employeur doit verser une indemnité d’occupation du domicile au salarié lorsque l’employeur ne met pas à sa disposition un local professionnel et que ce dernier n’a pas d’autre choix que de travailler de chez lui.
C’est parfois le cas des petites entreprises, notamment les compagnies de théâtre, qui n'ont pas toujours de local à leur disposition.
Il n’est donc pas nécessaire que l’employeur impose au salarié le télétravail mais il faut que le salarié puisse justifier que l’exécution des tâches au domicile est nécessaire pour s’y consacrer sérieusement et dans de bonnes conditions.
Cette indemnité peut être incluse dans la rémunération. Dans ce cas, le montant doit alors être précisé dans le contrat de travail au risque que la contrepartie de l’occupation du domicile ne soit pas indemnisée.
A ce jour, la difficulté réside dans l’évaluation du montant lié à l’occupation du domicile. Récemment, la Cour de cassation a jugé (Cass, civ. 8 nov. 2017 que le montant de l’indemnité peut être modulé selon l’espace occupé au domicile par les équipements professionnelles et selon que cet équipement est en permanence ou non au domicile du salarié. En revanche, la Cour de cassation n’a pas tenu compte du temps passé par le salarié pour exercer ses fonctions. Il semblerait que selon les tribunaux, l’occupation du domicile ne varie pas en fonction du temps de travail effectif du salarié de sorte que le montant de l’indemnité serait identique que le salarié soit à temps plein ou à temps partiel.
VI.Le recours au télétravail occasionnel
Depuis le 24 septembre 2014, lorsque le salarié et l’employeur conviennent, en l’absence de charte ou d’accord collectif, de recourir de manière occasionnelle au télétravail, ils peuvent formaliser leur accord par tout moyen (par avenant au contrat de travail, par email, voire par SMS).
Par exemple, en cas de grève des transports, d’enfants malade ou par convenance personnelle, le salarié peut travailler ponctuellement de son domicile en cas d’imprévus.